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« Essayer la télémédecine, c’est l’adopter »


Rédigé par Joëlle Hayek le Vendredi 18 Juin 2021 à 14:38 | Lu 807 fois


La crise du Covid a sans conteste imposé l’usage des téléconsultations, dont le taux a été multiplié par cent lors du premier confinement. Face à l’urgence sanitaire, médecins comme patients ont ainsi bouleversé leurs habitudes pour se saisir d’une modalité qui peinait alors à entrer véritablement dans les mœurs. Quels enseignements en tirer et surtout, comment éviter que la dynamique ne s’essouffle ? Les experts ont la parole.



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« La télémédecine n’est pas née avec la crise sanitaire : elle avait été consacrée par la loi dès 2009, mais restait encore assez confidentielle. Puis l’épidémie est arrivée, et les téléconsultations ont fait un bond considérable », se souvient le Docteur Jacques Lucas, président de l’Agence du Numérique en Santé (ANS), lors d’une conférence SantExpo Live. « Nous sommes passés d’une centaine de milliers d’actes par an, à plus d’un million par semaine en plein cœur de la crise. Les soignants se sont adaptés au pied levé, avec un sens clinique fabuleux », abonde le Professeur Nathalie Salles, présidente de la Société Française de Santé Digitale (SFSD). « On ne peut donc pas dire que la transition se soit faite en douceur. Soignants comme patients n’ont pas eu le choix. Mais parfois, il faut se jeter à l’eau pour apprendre à nager », analyse Lydie Canipel, co-présidente de la SFSD.

Une pratique qui reste limitée aux actes simples

Mais ce tableau n’était pas tout rose pour autant, comme elle tient aussi à le souligner : « Exercer la médecine à distance du jour au lendemain, sans pouvoir effectuer d’examen clinique et avec une obligation de résultat, est un acte extrêmement stressant ». Un constat qui nourrit aujourd’hui les réflexions menées par les pouvoirs publics, les tutelles et les organisations professionnelles pour pérenniser et accélérer le mouvement. Nos experts sont en effet unanimes : si « essayer la télémédecine, c’est l’adopter », son utilisation reste aujourd’hui limitée à des actes simples – poser une question à son médecin traitant, récupérer une ordonnance ou un arrêt de travail, etc. – faute d’organisations et d’outils adéquats, alors que son champ d’application est en réalité beaucoup plus large. « Nous avons franchi la première marche, il nous faut à présent franchir la suivante, résume Lydie Canipel. Il n’est pas nécessaire de créer ici des organisations compliquées, mais bien de favoriser les dynamiques locales pour recréer un parcours coordonné s’appuyant sur les bons outils au service des patients ».

Un meilleur recours aux assistants de télémédecine

Plusieurs pistes sont aujourd’hui évoquées, notamment le recours aux assistants de télémédecine, « pour l’essentiel des infirmiers et des pharmaciens, soit des professionnels de santé déjà reconnus », note Lydie Canipel. Rien de s’y oppose en effet, d’autant que l’acte d’assistance de téléconsultation est pris en charge par l’Assurance Maladie – mais peu de médecins le savent. Une telle organisation permettra, par exemple, d’éviter que la télémédecine ne soit un facteur discriminant pour les personnes qui, en raison de leur âge ou de leur handicap, peuvent avoir des difficultés à manipuler un ordinateur. Elle pourrait également contribuer à résoudre rapidement certaines situations, comme le fait remarquer le Docteur Lucas : « Lorsque vous appelez SOS Médecins, près d’un quart des appels n’est pas suivi d'une sortie de médecin. Le problème a donc pu se régler par téléphone. Il faudrait que cela se fasse à l’avenir par téléconsultation, pour que l’on puisse voir la personne – ce qui est extrêmement important, du moins au niveau des soins primaires. On pourrait, pour cela, mettre des moyens à disposition des assistants de téléconsultation, afin qu’ils puissent réaliser un examen physique sous l'œil du médecin. Si cette téléconsultation n'a pas pu résoudre la difficulté, un moyen médicalisé sera alors déplacé ».

« Il nous faut faire confiance au bon sens des professionnels » 

Il faut également mettre en place un accompagnement pratique des professionnels de santé. « Commençons par observer et écouter les professionnels de terrain afin de créer, de manière démocratique, un outil qui puisse être utilisé par tous », insiste Nathalie Salles. Une proposition à laquelle Lydie Canipel souscrit totalement : « L’approche descendante, si elle se justifie sur les plans réglementaire et juridique, peut aussi bousculer les usages. Il nous faut faire confiance au bon sens des professionnels ». Elle note, à juste titre, que « seul le médecin peut savoir, par rapport à un patient X et à son état de santé, quand il doit le voir en présentiel et quand il peut le voir à distance, avec ou sans une assistance de télémédecine ». Encore faut-il que l’ensemble des acteurs dispose des informations adéquates pour pouvoir mettre en place des parcours coordonnés. « Il nous faut informer les professionnels simplement, et pas avec un langage d’experts. Leur dire, par exemple : pour faire un examen clinique à distance, voici les fonctionnalités dont vous allez avoir besoin. Je ne parle pas ici de marque mais bien de fonctionnalités. Faisons déjà ce premier pas, puis faisons confiance aux équipes locales », explique-t-elle.

Des fiches concrètes sur les possibilités et les limites de la téléconsultation

Mais les médecins, comme les autres professionnels de santé impliqués dans un parcours coordonné faisant appel à la télémédecine, ont aussi besoin de recommandations pour la prise en charge des patients à distance. C’est sur ce point que doit se concentrer la puissance publique, estime Jacques Lucas : « De tels documents existent déjà pour les consultations en présentiel et sont utilisés à grande échelle. Il nous faut les adapter pour les faire entrer dans le monde numérique ». D’autant que l’attente est bien réelle sur le terrain. « Il faut des fiches extrêmement concrètes, sur par exemple comment prendre en charge en téléconsultation une suspicion d’otite, d’infection urinaire, etc. Il faut donner à voir ici les avantages de la téléconsultation, mais aussi ses limites », ajoute-t-il. « Les fiches techniques en préparation par les différents collèges de professionnels médicaux contribueront sans doute à réduire le fossé qui existe encore entre le savoir et les pratiques. Mais la suite des événements, l’avenir de la télémédecine, est entre les mains des praticiens et des soignants », conclut Nathalie Salles.

Article publié dans le numéro de mai d'Hospitalia à consulter ici






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